Le Ramadan et le Voyage… Voici une interrogation que doivent se poser de nombreux voyageurs occidentaux à l’approche du Ramadan 2013 : est-ce une bonne idée de partir pendant la période du ramadan ? J’avoue m’être posé cette question avant un long voyage en Turquie l’été dernier. Ce voyage m’a permis de mieux connaître ce rite religieux et d’appréhender de près la réalité d’un voyage pendant le ramadan. Retour sur les avantages et inconvénients d’un voyage pendant cette période particulière, qui rythme le quotidien de centaines de millions de personne chaque année.
Mieux comprendre le Ramadan
Tout d’abord, attachons nous à bien comprendre ce qu’est le Ramadan. Ramadan est le neuvième mois du calendrier musulman. Au cours de ce mois, les musulmans adultes ne doivent pas manger, ne pas boire et ne pas entretenir de relations sexuelles de l’aube au coucher du soleil. Les malades, les femmes enceintes ou qui allaitent, les femmes ou jeunes filles qui sont dans leur période menstruelle et les voyageurs, ainsi que tout individu dont ce jeûne pourrait mettre la santé en péril en sont exemptés. Le jeûne a pour but d’enseigner aux musulmans la patience, la modestie et la spiritualité.
Vous l’aurez bien noté dans cette définition tirée de Wikipédia, « les voyageurs (…) en sont exemptés ». Cela signifie t’il forcément que le Ramadan et le Voyage sont compatibles ? Le Ramadan et le voyage signifient ils la même chose au Maghreb, sur la Péninsule Arabique, dans certaines des Ex républiques Soviétiques, en Malaisie ou encore en Indonésie ? Autant de réponse auxquelles je vais tenter de vous apporter des éléments de réponse suite à une expérience riche pendant le ramadan en Turquie à l’été 2012.
Pour information, voici la carte des plus fortes concentrations de population de confession musulmane sur le globe :
Une intensité de pratique variable en fonction des pays et des régions
Bien sûr, au delà du rite du Ramadan, certains pays sont plus ou moins laïques et les coutumes plus ou moins strictes. Il est impensable de comparer un voyage en Iran pendant cette période à un voyage en Malaisie par exemple.
Il existe également de fortes disparités entre les villes, les régions au sein d’un même pays. Pour prendre l’exemple de la Turquie, je n’ai pas du tout ressenti la même chose entre Istanbul, les régions proches de la Syrie (Sanli urfa par exemple) ou encore le Nord Est du pays (Erzurum).
Le ramadan en Turquie est bien entendu visible et se ressent de partout au quotidien, mais à des échelles différentes. A Istanbul, les plus grandes mosquées se parent de grandes inscriptions et les appels à la prière sont nombreux tout au long de la journée. Mais tous les habitants d’Istanbul ne pratique pas le Ramadan et de nombreuses personnes, toutes générations confondues, fréquentent les restaurants, les cafés.
Plus on s’avance dans les campagnes et plus on voyage dans le Sud Est du pays (frontières avec l’Iran et la Syrie), plus les habitants semblent respecter le rite, et ce de manière très stricte. Dans ces régions il devient difficile de trouver un bus, de trouver un restaurant ou une épicerie ouverte aux heures de repas. Les regards se font également plus intenses et plus curieux lorsque les voyageurs demandent de l’eau ou un repas léger.
Un pays au ralenti pendant la journée, des soirées intenses, des rencontres inoubliables
Les commerces, les rues, les transports, le service publique fonctionnent au ralenti. En tant que voyageur, cela peut parfois être déroutant : les rues sont désertes (en plus de la chaleur souvent accablante), les horaires de bus sont souvent fortement modifiés, certains trajets sont même annulés aux heures de prière. Les services publics sont également difficilement joignables : je ma rappelle avoir du tenter 20 fois de joindre par téléphone une compagnie publique de transport maritime pour obtenir les horaires du bateau traversant le lac de van !
Si les journées sont souvent très calmes, les soirées ne manquent pas d’animation. L’appel à la prière du soir, qui autorise les fidèles à cesser le jeûn est bien sûr la plus spectaculaire. Profitant de la chaleur plus supportable et de l’air frais du soir, une grande partie des habitants se réunissent sur les places, sur les terrasses des restaurants. Les assiettes et les verres sont retournés, les paniers bien fermés. Dès que le muezin entame la prière autorisant se résument souvent à une forte intensité pendant une à deux heures, le temps de prendre le repas.
C’est aussi une période pendant laquelle certains pratiquants musulmans se font un devoir de rencontrer, d’accueillir et de discuter avec les voyageurs étrangers. De nombreuses familles ont fait preuve d’une incroyable hospitalité en nous invitant à prendre un thé, même à leur domicile. J’ai pu ainsi faire des rencontres inoubliables avec des familles turques, avec qui nous avons eu l’occasion d’échanger (malgré la barrière de la langue…).
Tout n’est pas rose, bien entendu. La chaleur, la faim, la soif peuvent rendre certaines personnes irritables, intolérante, voire extrême (certains ne comprenaient pas comment on ne pouvait ne pas faire ramadan, même en tant qu’occidental). La difficile cohabitation hommes / femmes étrangères, d’un point de vue occidental, déjà complexe et pas toujours saine en toutes périodes de l’année dans cette région du monde, sont également exacerbés pendant cette période de l’année. On m’a par exemple demandé des dizaines de fois si j’étais marié avec ma compagne, les hommes ne lui adressant quasiment jamais la parole. Dans certains bus en Turquie, à l’Est du pays, nous avions interdiction formelle de s’assoir à côté d’une femme locale, ma compagne ayant également interdiction de s’asseoir à côté d’un homme autre que son « mari ». Autant de choses difficilement compréhensibles de notre point de vue.
Il est également parfois difficile voire impossible de se restaurer aux heures de repas pendant la journée, une fois le soleil levé. Si vous entrez dans un restaurant, demandez bien si ça les dérange de vous préparer à manger. Idem dans les transports en commun, essayez de rester discret si vous buvez de l’eau (je vous conseille de boire avant ou après !) et surtout de ne pas manger en public, même si c’est toléré, pensez que certaines personnes n’ont pas mangé ou bu de la journée !
En conclusion, le Ramadan nécessite donc une indispensable adaptation du voyageur au rythme local et aux rites locaux. Ainsi, le ramadan et le voyage ne sont opas du tout incompatibles, loin de là. C’est une formisable occasion de casser les préjugés, de vivre la culture musulmane, d’en appréhender les rites et de mieux comprendre cet act de foi. Cependant, cette période peut être inconfortable pour le voyageur, autant d’un point de vue pratique pour pouvoir organiser les trajets, se ravitailler, que d’un point de vue culturel : le choc des cultures est intense au quotidien, parfois déroutant. Mais ceci ne serait il pas l’essence même du voyage ?
Merci pour toutes ces précisions! Le ramadan, même si la célébration est très variable, garde toujours grande une importance chez les pratiquants et comme toute coutume, le mieux est toujours de respecter ce qui fait l’identité d’un peuple non?